L’Analyse de Cycle de Vie permet-elle d’évaluer les impacts environnementaux de l’usage des technologies numériques en agriculture ?

La question de l’usage du cadre méthodologique de l’Analyse du Cycle de Vie (ACV) pour évaluer les impacts environnementaux de l’usage des technologies numériques en agriculture est posée par Clémence Huck, doctorante à l’UMR ITAP (INRAE), dans le cadre de sa thèse financée par OccitANum avec le soutien de la Région Occitanie. Alors qu’elle entre dans sa dernière année, voici quelques enseignements issus de ses travaux.

L’Analyse de Cycle de Vie (ACV), méthode d’évaluation environnementale

L' ACV, reconnue et normalisée (norme ISO 14040/44) permet :  

  • d’évaluer les impacts de l’ensemble du cycle de vie d’un produit ou d’un service, en identifiant ainsi les potentiels transferts d’impact entre les étapes du cycle de vie,
  • d’évaluer les impacts de manière multicritère, identifiant ainsi les potentiels transferts d’impact entre les catégories d’impact,
  • de quantifier les impacts environnementaux du système étudié au regard de ses fonctions principales par la définition d’une unité fonctionnelle.

Bien que l’ACV soit couramment utilisée pour évaluer les impacts environnementaux du secteur agricole et alimentaire, l’introduction des technologies numériques dans les processus soulève des questions méthodologiques supplémentaires en ACV, notamment liées à la collecte des données concernant des technologies encore en évolution et l’incertitude des résultats face à cette évolution.

Les évaluations environnementales des technologies numériques en agriculture

Afin d’identifier ces verrous spécifiques, Clémence HUCK a réalisé une revue de littérature sur les évaluations environnementales des technologies numériques en agriculture qui a notamment montré que :

  • les technologies qui avaient été étudiées dans les articles étaient majoritairement des outils pour l’agriculture de précision (61%) et pour des applications à la filière végétale (68%). Viennent ensuite les robots et l’automatisme ;
  • dans la majorité des études, la performance environnementale est améliorée suite à l’introduction d’une technologie numérique dans un système agricole. Cependant, lorsque la technologie est complexe (drone, robot, tracteur autonome), alors pour certaines catégories d’impacts (écotoxicité, ressources, radiation ionisantes) les effets seront négatifs.

Cette analyse a montré qu’il y avait encore des verrous méthodologiques, notamment du fait que :

  • Le cycle de vie de la technologie numérique (production, utilisation, fin de vie) est rarement pris en compte dans les évaluations : le matériel chez l’utilisateur (le hardware) est quelquefois évalué, mais très rarement le transfert et le stockage des données.
  • L’utilisation d’une technologie numérique dans un système agricole transforme les pratiques agricoles, mais ces changements ne sont pas toujours connus et peuvent également être dus à d’autres facteurs (climatiques par exemple)
  • Certaines technologies numériques rendent plusieurs services à leur utilisateur, de la productivité agricole et du confort par exemple. Cette multifonctionnalité pose problème en ACV car on rapporte les impacts environnementaux à l’unité fonctionnelle, qui quantifie le service rendu. Difficile de quantifier la qualité de vie ou le bien-être animal associé à l’utilisation d’une technologie numérique…

L’article conclut sur des recommandations que Clémence applique dans trois cas d’usages de technologies numériques :

  • un robot pour le maraichage,
  • un outil d’aide à la décision pour la protection des cultures et
  • une sonde pour la gestion de l’irrigation en arboriculture.

L’objectif est d’identifier des pistes méthodologiques pour lever les verrous de l’ACV appliquée à digitalisation de l’agriculture.

Ces travaux servent à la construction d’une méthode d’évaluation des impacts environnementaux des technologies numériques co-construites ou identifiées dans les Open Labs d’Occitanum.
Une première étude a été menée en 2024 dans l’Open Lab Arboriculture, sur l’évaluation environnementale du désherbage mécanique assisté par autoguidage (Projet Viziopilot) et une seconde est en cours dans l’Open Lab Élevage (Projet TechCare, Site de l’Aveyron), sur l’usage de compteurs à laits individuels pour le suivi des brebis laitières.

A suivre …

Contact :
Alexia Gobrecht, Ingénieure, responsable axe Évaluation dans OccitANum - INRAE, UMR ITAP - Alexia.gobrecht@inrae.fr